La Ciotat face au Syndicat du cirque : l’éthique contre les insultes

Le 11 mars, la mairie de La Ciotat a décidé de bannir de son territoire les cirques présentant des numéros avec animaux sauvages. Sa décision a provoqué l’ire du patron du Syndicat du cirque, Gilbert Edelstein. Décryptage d’un discours pas toujours poli.
Carte de France
La carte des 21 communes ayant pris un arrêté d'interdiction

Et de 21 ! Vingt et une communes sur les 36 000 que compte la France, une toute petite minorité. Et pourtant, un frémissement semble se produire depuis le début de l’année, puisque ce sont six communes qui ont, coup sur coup, pris des arrêtés interdisant l’installation sur leur territoire de cirques présentant des animaux. Lescar (Pyrénées-Atlantiques) a ouvert le bal en février, suivie de près par Lieusaint (Seine-et-Marne), Orgelet (Jura), Saint-Cergues (Haute-Savoie), Servon (Seine-et-Marne) et surtout La Ciotat (Bouches-du-Rhône), dont la décision a beaucoup fait parler d’elle ces derniers jours. Et pour cause : elle a permis au directeur du cirque Pinder et président du Syndicat national du cirque, Gilbert Edelstein, de se livrer à une contre-attaque pas toujours en règle.

Aux arguments éthiques mis en avant notamment par les élus jurassiens d’Orgelet et, de manière plus médiatique, par le maire de La Ciotat, Patrick Boré, Gilbert Edelstein a ainsi opposé des propos frisant l’insulte. « Fadas », « nazillons », « dictateurs », tout y est passé pour qualifier la décision de ces maires qui s’opposent à l’exploitation des animaux dans les cirques. Hormis ces gentillesses, sur le fond, le patron de Pinder en a profité pour marteler, au fil de ses interventions dans les médias, les mêmes arguments que ceux qu’il utilise pour se défendre des « extrémistes » que sont les associations de protection animale.

« Il ne faut pas confondre une bête sauvage née dans la nature et une bête sauvage née dans un cirque. » En effet, on ne confond pas, l’une vivra libre, l’autre captive et contrainte d’exécuter des numéros contre-nature sous le chapiteau, jusqu’à la mort. Patrick Boré n’a d’ailleurs pas manqué de relever l’absurdité de ce type de déclaration : « Naître en prison n’a jamais changé la nature des êtres. » Sans oublier que – et Gilbert Edelstein se garde bien de le rappeler – quasiment tous les éléphants captifs des cirques français ont été capturés dans la nature.

« Pour les animaux, les cirques sont des hôtels huit étoiles ! » Selon le fils de Gilbert Edelstein, Frédéric, dompteur du cirque Pinder, la vie d’esclave serait donc un luxe absolu pour les animaux, petits veinards qui peuvent échapper aux dangers de la vie en liberté. Un glissement progressif du discours des cirques qui s’appuie sur une conception inquiétante de la préservation, défaite absolue sur le plan éthique : enfermer et exploiter pour protéger.

« Le cirque, c’est les animaux. » C’est bien méconnaître l’histoire des arts du cirque et ceux qui l’ont fait naître il y a deux siècles : équilibristes, acrobates, clowns, jongleurs l’ont rendu populaire, bien avant l’arrivée des animaux sauvages, dans les cales des mêmes bateaux coloniaux qui « importaient » naguère des êtres humains. Et Patrick Boré d’enfoncer le clou : « On est au XXIe siècle, donc les spectacles du XIXe sont peut-être un peu dépassés. »

« Vous faites de l’anthropomorphisme ! » Argument favori du syndicat du cirque : la sensiblerie des défenseurs des animaux et leur méconnaissance de l’animal. Sous le chapiteau, tigres, éléphants, chameaux et otaries ne souffriraient pas autant qu’on le croit, simplement parce que ce sont... des animaux, et non des humains. Un discours étonnant dans la bouche de dompteurs qui publient régulièrement des photos de « leurs » animaux, légendées d’un béat « il n’est pas heureux, là ? ».

« Tous les cirques qui tournent en France respectent la nouvelle loi. » On demande à voir, par exemple au Cirque de Paris ou à La Piste d’or. Quant à l’« ancienne » loi, elle a été transgressée plus d’une fois. Autre exemple amusant, celui de Christophe Herry, ancien responsable des tournées de Pinder et actuel directeur artistique du cirque Médrano, assurant à un journaliste de France Télévisions, en janvier 2014, que des cages extérieures avaient bien été montées juste après sa venue, puis démontées, juste avant son retour. Pas de chance.

« Si ce n’était pas le cas, le syndicat les ferait fermer immédiatement et ferait saisir les bêtes. Généralement, les bêtes, je les récupère chez moi à Pinderland jusqu’à ce que les gens se mettent en règle. » Le syndicat aurait donc le pouvoir de faire fermer les cirques ne respectant pas la loi ? Une information à transmettre d’urgence à toutes les directions départementales de la protection du public... Ainsi que celle selon laquelle Pinderland peut se charger des animaux saisis. Encore faudrait-il que Pinderland soit ouvert et autorisé à recevoir des animaux sauvages. Ce qui n’est pas le cas.

« Ces maires vont contre la loi, des procès vont être faits contre les mairies. » Ou l’intimidation comme ultime argument. Car les maires ont bien entendu le droit d’interdire l’installation d’établissements itinérants sur le territoire de la commune. Patrick Boré l’a relevé : « La Constitution de 1958 prévoit que les communes s’administrent librement par des conseils élus, et les décisions que nous prenons le sont démocratiquement après mûre réflexion et discussion. »

Un rappel en forme d’encouragement à tous les maires français : face à ce type de menace, même au niveau européen, les pays interdisant la présence des animaux dans les cirques ont toujours été confortés dans leurs choix, les recours du syndicat des cirques européens n’ayant jamais abouti.

Publié le: 
23/03/2016