Lechmee, Mina et Kamala : trois éléphantes dans la prairie

Lechmee, Mina et Kamala, très âgées, sont toujours enchaînées au cirque Medrano. Avec l’aide de Code animal et One Voice, elles pourraient prendre une retraite méritée dans un sanctuaire en France. Reste au cirque à faire ce choix.
Cirque Medrano, Nancy, septembre 2015

Trois éléphantes marchent dans la prairie. Comme Lechmee est aveugle, ses amies Mina et Kamala la guident jusqu’au petit bois de châtaigniers dont elle respire l’odeur des feuilles et, de la trompe, tâte l’écorce rugueuse avec délice. Au loin s’étendent les collines et d’autres massifs d’arbres, puis les champs labourés et la route, sous l’horizon brumeux. Lechmee ne voit rien de tout cela, sinon des formes vagues ; mais elle sent, elle entend, elle agite les oreilles. Elle est heureuse. Le bruit du cirque s’est arrêté. Après 43 ans de fanfares bruyantes et de claquements de fouet, elle redécouvre enfin le chant des oiseaux, les conversations grondées avec ses deux compagnes et les balades sans fin dans les landes à bruyère, tandis que le soleil se couche.

Quelle paix ! Quelle douceur de vivre, enfin, pour ces trois éléphantes voyageuses ! Nées en Asie dans les années 1960, elles ont été arrachées à leur famille puis achetées dans l’enfance par le Tyseley Pet Stores. Une fois en Grande-Bretagne, Lechmee, Mina et Kamala ont été vendues au cirque Chipperfield puis, toujours ensemble et solidaires, elles se sont retrouvées sous la férule du cirque Medrano.

Aujourd’hui leurs souffrances ont pris fin. Lechmee et ses amies ont rejoint le sanctuaire d’Elephant Haven, dans le parc régional Périgord-Limousin, où des experts en pachydermes prennent le plus grand soin d’elles. Elles y rencontrent aussi d’autres éléphants, tous fatigués par la captivité. Parfois, l’une d’elles recommence à balancer sa trompe sans raison et à danser d’un pied sur l’autre. Leurs stéréotypies ne les quitteront pas avant longtemps, jamais sans doute, car les chaînes restent marquées dans l’esprit plus longtemps que dans la chair. Leur mémoire prodigieuse a conservé chaque détail de cette vie de violence, des coups de pique dans l’aine, des ordres hurlés, des cris de la foule, des spectacles, des routes, des parkings et des aubes glacées, où les articulations font si mal sur le plancher métallique du camion. À force, Lechmee a perdu l’usage de sa patte avant droite et il lui faut avancer avec lenteur. Mais ses amies l’attendent et restent près d’elle, comme elles l’ont toujours fait.

Cessons de rêver. Ces images ne sont encore qu’un espoir. À ce jour, Lechmee, Mina et Kamala sont toujours enchaînées au cirque Medrano et participent à des spectacles. L’arrêté du 18 mars 2011 exige pourtant que Lechmee soit placée dans une résidence fixe, au vu de son état de santé. Mais pas toute seule, bien entendu, car la séparer de ses amies ne manquerait pas de la tuer, ni d’anéantir les deux autres éléphantes. C’est ensemble que ces doyennes, inséparables depuis un demi-siècle, doivent finir leur vie tranquillement. C’est la demande portée par Code animal (lien vers site) et One Voice, avec Elephant Haven.

Leur sort ne tient donc qu’à un fil, à un mot, à une seule décision. Si le cirque accorde à ses éléphantes une retraite digne et paisible dans un sanctuaire naturel, ce geste sera reçu par le public avec soulagement et gratitude.

Dans le cas contraire, Lechmee, Kamala et Mila mourront l’une après l’autre d’épuisement sans avoir retrouvé, ne serait-ce qu’une seule fois, le bonheur de marcher libres et sans entraves comme au temps de leur enfance. Et ce sera un échec pour tout le monde.

Mais nous ne doutons pas un instant que le cirque Medrano fera le bon choix !

Yvon Godefroid

Publié le: 
11/07/2016