« Sur-impression sur la sciure, de Victor Hugo à Alexis Grüss »

Le nouveau spectacle d’Alexis Grüss, « Impression sur la sciure », se veut un hommage à Victor Hugo. Une méconnaissance profonde des positions de cet humaniste sur l’animal.

« De quel droit mettez-vous des oiseaux dans des cages ? (...) De quel droit volez-vous la vie à ces vivants ? (...) Qu’est-ce qu’ils ont donc fait tous ces innocents-là (...) Qui sait si le malheur qu’on fait aux animaux Et si la servitude inutile des bêtes Ne se résolvent pas en Nérons sur nos têtes ? (1) »

C’est ainsi que s’exprimait Victor Hugo dans la « Légende des siècles » à propos du droit que l’homme s’est octroiyé en mettant des animaux en cage. Si le nouveau spectacle d’Alexis Grüss, « Impression sur la sciure », se veut entre autres un hommage à cet humaniste, c’est en méconnaissance profonde des positions de ce dernier pourtant très claires sur l’animal.

La présence de l’éléphante Syndha, « en vieille amie (2) » de la famille, devrait nous rappeler la tragique histoire des animaux dans les cirques. Cette éléphante porte en elle le traumatisme des autres animaux esclaves de ces spectacles. Arrivée au cirque Alexis Grüss en 1983, Syndha, comme tous les autres éléphants captifs des cirques, est un animal « dénaturé ». Ainsi, Syndha a-t-elle d’abord été coupée non seulement de son groupe social de naissance, mais encore de tout groupe social matriarcal autour duquel s’articule pourtant la vie d’un éléphant ; Syndha vit seule sans aucun contact avec un membre de son espèce depuis son premier jour de captivité. Bien plus, depuis cette date, Syndha a été condamnée à ne plus pouvoir se déplacer librement ; or, une telle immobilité est un calvaire pour un tel animal puisqu’un éléphant libre effectue quotidiennement environ 17km. Les seules sorties de Syndha se bornent à un tour de piste durant lequel, sous la pression d’une pique, elle devra non seulement affronter un public qui lui est étranger, mais aussi des numéros qui la contraignent à des positions contre-nature. C’est pourquoi, à l’instar de très nombreux éléphants captifs, Syndha présente des troubles anormaux du comportement, définis par les zoologues et éthologues comme des « manifestations d’un échec à s’adapter de façon appropriée (3) » et comme la « preuve d’une souffrance chronique (4) ». Le traumatisme de Syndha, déjà important, s’est accru en décembre 1999 lorsque, enfermée seule, elle a été profondément marquée par la tempête qui s’était abattue sur Paris. Ne pouvant fuir, elle n’a pu réagir face à la violence du vent qui s’engouffrait dans la toile du chapiteau. Depuis, Syndha est devenue imprévisible, causant ainsi la mort du metteur en scène Claude Santelli en Septembre 2001.

Dès lors, les critiques parues au sein des quotidiens laissent une impression amère. La magie opérée par le cirque est assombrie par la présence de cet animal à qui l’on a volé l’existence. Or il participe également aux devoirs des journalistes de ne pas cautionner ce genre d’esclavage.

« Prenez garde à la sombre équité. Prenez garde ! Partout où pleure et crie un captif, Dieu regarde. Ne comprenez-vous pas que vous êtes méchants ? À tous ces enfermés donnez la clef des champs ! (1) »

(1) HUGO Victor, Liberté - La légende des siècles, 1859
(2) Costaz Gilles, extrait de « Les peintures équestres de Grüss », les échos du 05/01/2006
(3) BRIDE Mc, GLEN & CRAIG, J.V., « Environmental design and its evaluation for intensively housed animals» in Bresard B., 1985.
(4) WEMELSFELDER, F., "The concept of animal boredom and its relationship to stereotyped behaviour" in : Lawrence, A.B. & Rushen J. (Éds). Stereotypic Animal Behaviour. Fundamentals and Applications to Welfare. CAB International, U. K.,1993.
Publié le: 
03/01/2006