Arrêté du 18 mars 2011, le déni au service de l'illusion

Plus de trente ans de travail pour réviser l'arrêté de 1978 qui livrait les animaux détenus par les cirques au bon vouloir de ces derniers. Résultat ? Peut mieux faire encore...
Lion dans un cirque français.

Il aura fallu plus de 32 ans aux gouvernements successifs français pour accoucher d’une souris avec “l’arrêté du 18 mars 2011 fixant les conditions de détention et d’utilisation des animaux vivants d’espèces non domestiques dans les établissements de spectacles itinérants.” Cet arrêté publié le 05 avril au Journal Officiel remplace en partie l’arrêté du 21 août 1978 qui permettait aux cirques de détenir leurs animaux dans les conditions les plus sordides.

Du travail des associations...

Depuis plusieurs années, Code animal a interpellé les différents Ministres de l’Ecologie quant aux conditions des animaux dans les cirques. Certains Ministres de l’Ecologie tels que Dominique Voynet (1997-2001) ou Serge Lepeltier (2004-2005) avaient proposé l’interdiction d’espèces particulièrement sensibles, telles que les hippopotames, les girafes ou les rhinocéros, mais ces déclarations n’ont pas été suivis d’effets. Aussi, aujourd’hui, contrairement à ce qu’affirment certains cirques, aucun animal n’est interdit dans les cirques français.

En 2007, les associations de défense animale ont fait une proposition commune afin de bannir à terme l’utilisation des animaux dans ces établissements, et ce en respectant la nécessité d’une transition pour les cirques.

Code animal a publié un rapport remis lors des rencontres animal et société, puis a apporté l’avis de plus de 80 experts quant à l’impossibilité de détenir des animaux sauvages dans les cirques, et notamment les chimpanzés, les ours, les éléphants ou les hippopotames.

Parallèlement, les associations ont apporté plus de 100 000 signatures demandant l’interdiction d’exploitation des animaux dans les cirques et ce en plus des milliers de courriers de citoyens et des questions écrites des parlementaires.

… au déni du gouvernement

Le gouvernement n’a apporté aucun élément de réponse face à ces expertises alors même que de nombreux pays ont décidé de ne plus autoriser la présence des animaux dans les cirques du fait de l’impossibilité de détenir les animaux dans des conditions acceptables. A l’issu de tables rondes entre les professionnels du cirque, l’administration et les associations de défense animale, Code Animal a exprimé au nom des différentes associations présentes son désaccord quant à cet arrêté minimaliste ne prenant pas en compte les différentes demandes en faveur des animaux.

Cet arrêté du 18 mars 2011, s’il représente une avancée par rapport à l’ancienne législation, n’est pas à la hauteur du problème et ne saurait satisfaire ceux qui estiment non seulement que les animaux ne sont pas des clowns, mais aussi qu’ils ne peuvent vivre dans des conditions satisfaisantes dans ce genre d’établissement.

Que dit l’arrêté ?

Tout d’abord l’arrêté ne concerne que les spectacles itinérants et ne s’applique donc pas aux cirques sédentaires, type cirque d’hiver, Moreno Borman ou F.Williams qui resteraient donc soumis à l’arrêté non contraignant de 1978.

– Une liste d’espèces exploitables est pré-définie (macaques, babouins, éléphants femelle, félins, otaries, zèbres, certains oiseaux et reptiles) (Art.3). La présentation d’animaux n’entrant pas dans cette catégorie (éléphants mâles, ours, hippopotames, girafes ou chimpanzés par exemple) doit être motivée. Le cirque doit ainsi justifier de l’intérêt artistique d’une telle présentation. Par conséquent aucune espèce n’est proscrite

– Les conditions de détention des animaux sont plus contraignantes et des exigences minimales sont requises pour les espèces.

A titre d’exemple (Annexe)

  • Les félins (tigres lions, pumas et panthères)

Les cirques devront déployer des cages de détente de 60 mètres carrées minimum et les animaux devront être à l’extérieur 4 heures par jour au moins. De plus les félins devront pouvoir se faire les griffes et avoir la possibilité de se baigner.

  • Les macaques et babouins

6 m2 par animal (jusqu’à 3 animaux, 2 m2 par animal supplémentaire), des installations devront être installées afin de permettre aux animaux de grimper et de se cacher. Les animaux seront conduits à l’extérieur tous les jours (soit en laisse, soit dans des cages)

  • Les éléphants

installation intérieure de 2,5 mètres sur 4 par animal et un paddock extérieur d’au moins 250 mètres carrés pour un maximum de 3 animaux (20 m2 de plus par animal). Les attaches restent autorisées.

  • Les hippopotames

Installations intérieures d’au moins 30 m2 par animal et un paddock extérieur d’au moins 200 m2. L’animal devra avoir accès en permanence à une piscine de 30 m2 à une température de 22°c.

Toutefois , ces exigences ne s’appliquent pas (maximum 2 mois/an) en cas d’exiguïté d’un lieu de stationnement… (Art.23)

L’accès à l’eau doit être permanent SAUF pour les éléphants… (Art. 30)

– Le dressage doit prendre en compte l’âge, la volonté d’agir ou encore le rang social de l’animal au sein de son groupe. Il ne peut être exigé des animaux que les actions, les performances et les mouvements que leur anatomie et leur aptitudes naturelles leur permet de réaliser et entrant dans le cadre des possibilités propres à leur espèce.(Art.34)

En guise de conclusion

Cet arrêté fait un grand écart bien hypocrite en affirmant d’une part la nécessité de “satisfaire la satisfaction des besoins physiologiques et comportementaux, à garantir la sécurité, le bien-être et la santé des animaux” mais en refusant d’autre part de prendre en compte l’avis des experts qui affirment que cet objectif est inatteignable dans les établissements itinérants.

Les exigences minimales de détention étant soumises à l’exiguïté des emplacements, celles-ci risquent d’être bafouées, d’autant que des contrôles sur le long terme ne paraissent pas réalisables.

La justification de l’intérêt artistique de l’utilisation d’une ou l’autre espèce reste soumise à l’appréciation de commissions, qui à l’instar de la Commission Nationale consultative pour la faune sauvage captive, n’accepteront probablement aucun représentant d’association de défense animale mais des représentant des cirques qui risquent bien de se faire des politesses…

Ces dispositions ne seront applicables que dans un délai de 2 ans donc le 5 avril 2013, sauf dans le cas des hippopotames et des girafes ou la mise conformité est repoussée à 5 ans donc en avril 2016 ! (Art.42)

Bien qu’oubliant quelques exigences de bases concernant l’importance des groupes sociaux pour certaines espèces ou le besoin de se soustraire à la vue du public (distance de fuite), cet arrêté reconnait implicitement les besoins élémentaires des animaux, tout en s’assurant que ceux-ci continueront à être exhibés comme des pantins de foire.

France XXIème siècle, un beau numéro d’illusion…

Publié le: 
07/04/2011