De la Foire de Grenoble à l'anti-culture commerciale

Tiger by Rachmat

Le manque d’imagination puise ses réserves dans l’exhibition de l’exotisme. Des arrières goûts coloniaux persistent. On jette en pâture au badaud de pauvres bêtes n’ayant pour seul tort que d’être un peu plus exotiques que le pigeon ramier ou que le canard colvert de nos campagnes. L’enfant en sera l’otage parfait, comme si lui présenter un animal stressé et dépourvu de son environnement (son biotope) pouvait apporter un autre intérêt que celui de l’esthétisme. A quoi sert la morphologie marine de l’otarie si celle-ci est enfermée dans un bocal (aussi beau soit-il ?) ? A quoi bon être un animal vivant en colonie et ayant une vie sociale complexe, si c’est pour se retrouver seul ou en couple à faire le show sous les projecteurs ? L’enfant apprendra-t-il réellement quelque chose de cette présentation déconnectée de tout un écosystème ? Ou s’agirait-il plutôt d’une forme d’anti-culture imposée à notre jeunesse afin de justifier l’achat de billets d’entrée ?

C’est pourtant ce que propose la Foire de Grenoble depuis le 4 novembre au travers d’une accroche vendeuse : “Différents fauves en cage : des tigres, des lions, un puma et une panthère mouchetée.. Vous pourrez tous les admirer durant la Foire. Mais vous trouverez aussi des otaries et des pingouins qui feront leur show, pour le plaisir des plus petits comme des plus grands.”

Nous ne doutons pas un instant que l’enfant admirant ces animaux privés de leur liberté acquièrera un indéniable bagage culturel confondant au passage pingouins et manchots. La Foire de Grenoble annonce en effet la présence de pingouins sur l’image d’un manchot…. aidant dès lors à la confusion entre une espèce qui vole (le pingouin) et une qui ne vole pas (le manchot), entre une espèce qui vit dans l’hémisphère Nord (le pingouin) et une autre qui vit dans l’hémisphère Sud (le manchot). Une belle illustration de cette indifférence à l’égard de l’animal, on ne sait même pas d’où il vient et ce dont il a besoin…. (mais qu’importe c’est vendeur )

Heureusement, il est annoncé “un espace pédagogique”, qui sans doute justifiera par un silence honteux sa grossière erreur et par de belles paroles cette domination de l’homme sur la bête, comme l’on justifiait en d’autres temps la domination de l’Occident triomphant sur le sauvage. C’était un temps où l’on exhibait encore des inuits ou des cingalais dans des zoos humains…

L’Occident endetté et dans la crise se raccroche sans doute à cette parcelle nostalgique d’un temps où toutes ces vilénies avaient cours pour vendre à des enfants qui n’ont rien demandé un rêve qui n’est pas un, l’extinction des espèces et la disparition de leurs écosystèmes avançant de concert avec la suprême prédation et prétention de l’humanité.

N’hésitez pas à écrire (avec courtoisie) à la Foire de Grenoble pour leur rappeler que la place des animaux n’est pas de “faire le show”, ni même de faire vendre des tickets d’entrée…

direction@alpexpo.com
communication@alpexpo.com

Publié le: 
07/11/2011