« Derrière le chapiteau, un éléphant tourne en rond dans un espace minuscule »

Notre enquête au cirque Moreno Bormann, à la porte d'Aubervilliers, à Paris, en décembre 2006.
Le cirque Moreno, porte d'Aubervilliers (Paris)

Ce cirque est un des rares cirques français à rester statique. Un espoir de "mieux-être" pour les animaux ? Non.

  • Le cirque est implanté porte d'Aubervilliers au beau milieu de la pollution sonore et automobile.
  • Chakha et Zoulou, deux éléphantes d'Afrique achetées en Belgique en 1987 à l'âge de 2 ans. Leur seul univers une "jungle urbaine (1)" de quelques mètres carrés, composée d'asphalte et de dioxyde de carbone.
  • Une girafe, qui bien qu'étant un animal grégaire, est condamnée à vivre seule toute sa vie durant.
  • Des chameaux, des autruches, des zèbres, des yachts du Tibet, des serpents et des tigres du Bengale condamnés à survivre dans ces camions et ces tentes posées à proximité du périphérique parisien ...

Leçon d'amour

Le directeur et dresseur Rex Bormann l'affirme dans un interview (2) : "Qu'on arrête de sous-estimer les dresseurs. Ils se dévouent entièrement à leurs bêtes. Si vous voulez des leçons d'amour et de patience venez au cirque !". Nous voilà donc prévenu cette leçon d'amour en jungle urbaine, nous conduit à casser la nature grégaire d'un animal, à restreindre l'espace nécessaire à ses déplacements, à priver l'animal d'un accès à l'eau en permanence, à lui imposer de sauter dans un cercle de feu qu'il craint, à se plier à un dressage qu'il redoute...

Leçon de douceur

Pour dresser un animal, "il faut de la douceur, encore et toujours de la douceur". Concernant les éléphantes, le dressage commence ainsi : "une chaîne au cou, entourée de deux ou trois hommes, elles commencent par se débattre..."
Une conception étrange de la douceur par la coercition.

Leçon d'expert

Mr Rex Bormann est expert rapporteur auprès du Ministère de l'écologie et du développement durable dans la commission délivrant les certificats de capacité. Il est clair qu'avec une telle approche d'amour et de douceur vis-à-vis du monde animal, l'expertise risque d'être concluante. Une telle position privilégiée, peut lui permettre d'affirmer des contre-vérités dans un journal sans qu'une seule personne ne puisse remettre en cause sa parole d'expert.

Ainsi à la question : "Y a-t-il des animaux interdits dans les cirques, en France ?", Mr Bormann répond : "oui, le rhinocéros, l'hippopotame, la panthère des neiges..., quant à la girafe elle risque l'écartèlement pendant les transports".

Or, aucune espèce n'est actuellement interdite dans les cirques français, ce sont les certificats de capacité qui ne sont pas délivrés (et il y a des exceptions !) , ce qui fait une grande différence. Ainsi un cirque détenant une de ces espèces joue sur une régularisation possible en faisant une demande de certificat de capacité auprès de la Direction des Services Vétérinaires de son département ou au Ministère de l'écologie... Délais administratifs très longs pour une réponse négative en général, les tribunaux en charge du dossier pour "détention illégal d'une espèce" accordent en général leur clémence face à un circassien "en cours de régularisation". Une fois la réponse négative reçue, le dresseur redépose une demande, voire même sur un autre département, et ainsi des cirques détiennent depuis plus de 10 ans des hippopotames, des girafes...

Et que font ces experts par amour pour sauver ces girafes (cirque Achille Zavatta fils, cirque Roger Lanzac) de l'écartèlement pendant les transports ? Pour sauver cette dizaine d'hippopotames détenus illégalement avec pour seule compagne une baignoire au fond d'un camion ? Rien.

Une interdiction claire de détention de ces espèces aurait un tout autre impact. Monsieur Bormann en tant qu'expert devrait le savoir...

(1) Expression de VPSJ
(2) Cirque Magazine n°1 - Octobre 2006 - p 24 - 28
Publié le: 
01/12/2006