Analyse et commentaire d'une thèse sur les animaux dans les cirques

"Les Mammifères non domestiques dans les cirques en France : pour ou contre leur utilisation. Législation nécessaire au débat." Thèse de Lionel Bastian - Ecole Vétérinaire Alfort, 2008.

L'intégralité ce rapport vantant la présence des animaux dans les cirques est disponible sur le site de l'Ecole Vétérinaire Alfort. Florilège de cette thèse dont la méthodologie est assez particulière entre "négation" , "omission" et "raccourcis"

Elle se base sur une estimation d'une "quarantaine de cirques (fixes ou mobiles) présents en France". Cette base à l'intérêt de nous montrer de suite que le rédacteur de cette thèse ne connaît pas les cirques français ou n'en a qu'une vision partielle. L'estimation actuelle du nombre de cirques fluctuant entre 135 et 180 établissements.

Des voix s'élèvent aujourd'hui pour revendiquer l'interdiction de tout animal sur la piste par différents moyens de communication (sites Internet, marketing direct à destination des élus, manifestations aux portes des cirques avec parfois des informations truquées ou erronées et interprétations anthropomorphiques).

De facto, et avant même toute analyse, il est avancé l'accusation de "manipulation" et d'"anthropomorphisme" de la part des associations. (la thèse est visiblement militante).

  1. Les informations truquées peuvent être passible des tribunaux. Aussi, nous avons toujours invité ceux qui l'affirment à porter plainte contre notre association. Aucune plainte à ce jour ne nous est parvenue, car aucune manipulation n'est effectuée.
  2. L’anthropomorphisme est l'attribution de caractéristiques comportementales ou morphologiques humaines à d'autres formes de vie, à des objets, voire à des idées.

Notre approche se base sur l'étude des impératifs biologiques de l'animal, avec l'avis d'experts en la matière. Reproches particulièrement étonnants de la part d'un partisan de ce cirque qui affuble les animaux de costumes ou de postures humaines... (A lire le texte du Dr en philosophie Pierre -Yves Bourdil.)

Plus que de mettre en avant la « férocité » de l'animal ou le courage du dompteur, on montre actuellement la beauté et les capacités physiques et la complicité avec son dresseur voire « éducateur » (...) d'inciter l'animal à exécuter, en complicité avec son dresseur, des exercices en rapport avec ses capacités naturelles.

Le dressage a sans doute effectivement évolué ces dernières années. La violence gratuite tend probablement à reculer suite à la présence de plus en plus importante des associations, de la DSV ou de l'ONC.

Pour autant, l'auteur nous parle d'exercices en rapport avec les capacités naturelles de l'animal, c'est méconnaître la majeure partie des numéros imposés actuellement.

  • Faire sauter un félin dans un cercle de feu (qu'il craint).
  • Faire asseoir un éléphant
  • Lui faire faire le poirier
  • Des chimpanzés et babouins affublés d'accessoires et costumes.
  • Des ours sur mobylettes...

Si l'animal peut physiquement faire les exercices ci-dessus, il ne peut néanmoins les faire "naturellement". Ils lui sont imposés par la coercition parce qu'impliquant une forme de contrainte ou de douleur pouvant aller jusqu'à des pathologies ou des dérangements moteurs. La complicité se heurte à ces capacités naturelles qui sont souvent contrariées. (A lire "Un dressage coercitif et contre-nature".)

La conscience commune tend à affirmer : « les animaux ne subissent plus de mauvais traitements dans les cirques ; ce qui me choque, c'est qu'ils vivent dans des camions ou des cages ». Notre conception du bien-être animal, quand elle devient anthropomorphique, fausse le jugement. Chez un grand félin, le « bonheur » consiste à pouvoir vivre, manger, se reproduire et à avoir des interactions sociales. Nos notions philosophiques de liberté leur sont étrangères. La vie du cirque correspond au rythme biologique naturel des grands félins : les périodes passées à exécuter leur numéro de une à trois fois par jour) correspondent à leur temps d'activité dans la nature (recherche des proies, chasse).

L'anthropomorphisme reste l'arme favorite des cirques qui ne cessent d'humaniser l'animal. Toutefois, sur le fond, nous partageons l'avis de l'auteur sur la nécessité d'être très vigilant quant à notre regard humain. C'est pour cela que Code animal se réfère à l'étude du comportement animal pour argumenter ses dires.

En utilisant les grands félins, l'auteur omet (volontairement ?) les autres animaux et notamment les éléphants qui sont privés de ces interactions sociales ou les ours que l'on prive de leur rythme biologique (hibernation).

Répondons toutefois sur les grands félins. L'auteur nous affirme que "le "bonheur" consiste à pouvoir vivre (qu'entend t-il par vivre ?), manger, se reproduire et avoir des interactions sociales". C'est oublier que la constitution d'un groupe social est très organisée. Le témoignage du Dr Bomsel nous éclaire sur ce point : " Un fauve aime à marquer certains endroits, il a ses poses, ses odeurs, ses repères. C'est impossible, vous avez la continuité des cages, l'un urine, l'autre urine à côté, immédiatement ils sont partis dans une frénésie complète".

C'est oublier que le tigre est un animal solitaire que l'on contraint à une vie de contact.

C'est oublier que ces animaux ont besoin d'une distance de fuite afin de pouvoir se cacher.

C'est encore oublier ces numéros (tels que chez Pinder) mélangeant des tigres et des lions, deux espèces qui ne cohabitent pas.

Dans de nombreux cirques, la reproduction, bon indice d'adaptation d'une espèce dans un environnement, donne d'excellents résultats. La longévité d'un animal dans un environnement est un marqueur fort du bien-être animal : le tigre Atyr présenté pour la première fois en 1819 par le dompteur Henri Martin est mort à l'âge de 21 ans, Zeila, rhinocéros blanc femelle, morte à 43 ans au cirque Knie après 40 ans de spectacles (de 1966 à 2006).

Le tigre a effectivement une longévité de 15 à 18 ans, alors que le rhinocéros peut vivre jusqu'à 45 ans. On peut également citer en contre exemple la mort en 2003 de l'éléphante Wurza (cirque Arlette Grüss) à l'âge de 25 ans et de Tatcha (cirque Maximum) en 2006 à l'âge de 23 ans pour une longévité naturelle de 60 à 65 ans.

L'auteur confond naissance et reproduction. La reproduction implique autant ou plus de naissances que de décès afin de péréniser une espèce. Pour les éléphants par exemple : "La fertilité est assez faible en captivité et les naissances sont plus rares. Une éléphante donnera naissance à six petits dans la nature contre un seulement en captivité. Ce problème du cycle de reproduction peut trouver son origine dans le surpoids, le stress et l’absence d’un groupe social stable"(1).

Il est vrai, que les tigres lions, babouins et macaques sont des espèces qui se reproduisent bien en captivité. C'est un indice, au même titre que l'absence de reproduction. L'auteur semble omettre les autres indices (troubles du comportement notamment), sans évoquer ce qui est surprenant les problèmes de consanguinité pourtant très important dans les cirques.

Les cirques développent, devant les camions, des enclos munis de troncs d'arbre parfois même un bassin, comme au zoo. La qualité de la présentation prévaut désormais sur le nombre.

Seuls 4 cirques sur plus de 150, installent de temps en temps un enclos extérieur et ce sans aucun bassin.

En octobre 2004, le cirque Pinder se vantait de posséder la plus grande fauverie intinérante avec 40 félins dont 25 tigres... (nombre ou qualité ?)

La présentation de l'auteur est peut-être futuriste, mais elle ne représente en rien la réalité. Pour cela il suffit de se ballader dans notre section "cirques" ou d'aller dans une ménagerie.

Les animaux présentés actuellement dans les cirques en France sont tous nés et élevés en captivité.

Affirmation omettant les animaux provenant des zoos étrangers, ainsi que les éléphants (Betty, Kenya, Indra...) qui ont été capturés en Thaïlande ou au Zimbabwe.

Le retour à la nature serait dangereux tant pour l'être humain que pour l'animal «affranchi». Ce dernier serait incapable de chasser, d'identifier des dangers qu'il ne connaît pas. Ayant vécu avec et connaissant l'être humain, l'animal n'a plus peur de celui-ci et ne sera pas inhibé à l'attaque.

Nous sommes d'accord ! Il nous est souvent opposé cette argument alors que nous n'avons jamais demandé la libération des animaux dans leur milieu naturel, mais bien une extinction progressive des animaux dans les cirques et un placement dans des sanctuaires (à l'instar de Simba, Aldo, Tonga...)

Un rapport d'une commission regroupant professionnels du cirque et associations de protection animale en Grande-Bretagne a permis d'établir que, bien qu'ils soient davantage confinés qu'à l'état sauvage, les animaux ne subissent pas de troubles du comportement.

L'auteur nie tout simplement ce que les citoyens peuvent constater dans n'importe quel cirque (même les plus grands): les troubles du comportement, tels que les mouvements stéréotypiques (balancement, va et vient...) "preuve de l'existence d'une souffrance chronique(2)".

Ces troubles du comportement sont visibles pour qui a des yeux.

Cette thèse est surprenante à plus d'un titre.

  • L'auteur s'attaque dès l'introduction aux associations (dont Code animal) défendant et argumentant en faveur d'une évolution des cirques traditionnels vers des cirques sans animaux, en avançant des arguments qui ne sont pas les nôtres : anthropomorphisme, réintroduction dans la nature...
  • L'auteur n'aborde aucune des problématiques avancées par les associations : dressage contre-nature, impératifs biologiques, trouble du comportement ... ce qui est tout de même regrettable pour une thèse vétérinaire.
  • Il nie l'existence même d'un dressage contre-nature et des troubles du comportement, malgré les photos, vidéos ou faits visibles par tous.
  • L'auteur semble ne pas connaître le monde du cirque en oubliant l'existence de plus d'une centaine d'établissement et en omettant d'ouvrir son analyse à toutes les espèces présentes : éléphants, ours, chimpanzés...

L'approche juridique (basée sur une compilation de textes) vise à montrer que la présence des animaux dans les cirques est déjà suffisamment encadrée. Effectivement si les textes (et notamment l'Art.L.214.1 du code rural) étaient appliqués la situation évoluerait rapidement . Mais l'auteur, en niant la problématique des animaux dans les cirques tend par cette thèse à péréniser cette activité en s'assurant qu'aucun nouveau texte ne vienne la contrarier.

(1) Les animaux dans les cirques (Pdf) - Franck Schrafstetter / One voice (2004)
(2) WEMELSFELDER, F., “The concept of animal boredom and its relationship to stereotyped behaviour” in : Lawrence, A.B. & Rushen, J. (Éds). Stereotypic Animal Behaviour. Fundamentals and Applications to Welfare. CAB International, U. K.,1993. Images filmés dans la ménagerie du cirque Arlette Grüss en septembre 2005.